Raymonda


Ballet en trois actes – sujet de Lydie Pachkoff et Marius Petipa – Musique : Alexandre Glazounov – Chorégraphie : Rudolf Noureev d’après Marius Petipa –
Retrouvez la Collection Noureev au Centre National du Costume de Scène

Engagé au Kirov de Léningrad à 20 ans, fin 1958, Rudolf Noureev incarna au mois de mars suivant un des chevaliers du Pas de Quatre du 3 ème acte de « Raymonda », musique de Glazounov, dans la chorégraphie de Petipa révisée en 1938 par Youri Slonismski et Vassily Vaïnonen. Une fois passé à l’Ouest, le jeune Rudolf remonta de mémoire ce Pas de Quatre pour des récitals qu’il donna à Cannes et Paris avec Rosella Hightower, Sonia Arova et Eric Bruhn. Peu après il arrangea le Divertissement Hongrois du 3ème acte apour le Royal Ballet à l’occasion d’une tournée qu’il effectua avec Margot Fonteyn.

Mais « Raymonda » est surtout le premier grand ballet en trois actes que Noureev remonta en Occident. Il le régla d’abord pour le festival de Spolète en 1964 avec le Royal Ballet. Margot Fonteyn, qui devait incarner l’héroïne fut rappelée d’urgence, la veille de la première, à Londres où son mari diplomate panaméen venait d’être victime d’un attentat, et Noureev incarna Jean de Brienne aux côtés de Doreen Wells. Les cinéastes français Philippe Collin et Pierre André Boutang réalisèrent sur place tout au long des répétitions un passionnant documentaire « Noureev à Spolète » où le danseur avoue n’avoir dansé que quatre fois le Pas de Quatre au Kirov où il a également vu de la salle quatre fois le ballet entier. Et c’est à partir de ces seuls souvenirs qu’il se lança témérairement dans la réalisation des trois actes de « Raymonda ».

L’année suivante Noureev remonta ce ballet encore inconnu en Occident pour l’Australian Ballet, production que les parisiens purent découvrir avec Margot Fonteyn et Rudolf Noureev au Théâtre des Champs Elysées en novembre 1965. Le danseur incarnait le noble Jean de Brienne qui quitte sa fiancée Raymonda pour rejoindre les Croisés en Palestine, et revient au dernier acte avec son compagnon d’arme le roi André de Hongrie juste à temps pour arracher sa fiancée des bras du chef sarrasin Abderam qui tentait de l’enlever de force. Le chorégraphe qui était très fier de son premier ballet, aimait tout particulièrement le troisième acte, celui du Divertissement Hongrois pour le mariage des héros, acte qu’il fit entrer au répertoire du Royal Ballet à Londres et du Ballet Norvégien à Oslo. Enfin, révisant totalement l’argument et la chorégraphie, Noureev créa une nouvelle «Raymonda» en trois actes, beaucoup plus longue que sa production de Spolète, ajoutant de nombreuses variations de son cru pour Jean de Brienne, version qu’il créa pour le Ballet de Zurich en 1972 puis qu’il reprit avec quelques variantes pour l’American Ballet Theater à Houston en 1975. « Raymonda » est le premier grand ballet que Rudolf Noureev remonta à son arrivée à l’Opéra de Paris comme directeur de la danse en 1983. Lui-même ne participa pas à la première représentation de cette version définitive qui fut créée dans la somptueuse production de Nicolas Georgiadis, par huit danseurs étoiles ! Yvette Chauviré pour son grand retour sur scène, Elisabeth Platel (Raymonda), Charles Jude (Jean de Brienne), Jean Guizerix (Abderam), et encore Monique Loudières, Claude de Vulpian, Patrick Dupond, Françoise Legrée ! C’est ce soir là que Paris découvrit deux jeunes danseurs éblouissants dans leur duo virtuose longuement ovationné : Laurent Hilaire et Manuel Legris.

Avec « Raymonda » Rudolf Noureev confirme ses authentiques dons de chorégraphe – que ses détracteurs lui ont toujours déniés !- non seulement dans ce duo virtuose et de brillants ensembles, mais surtout dans sa conception totalement originale du personnage d’Abderam, rôle qui en URSS, comme en Russie du temps de Petipa, fut toujours joué par un mime. Noureev en fit un grand rôle dansé, et inventa notamment deux splendides variations pour Abderam au second acte, d’une sensualité toute orientale, inspirées sans aucun doute par les danses folkloriques qu’il interpréta enfant à Oufa avec les Pionniers de son école, et les ballets de caractère comme « Gayané » de Nina Anissimova, un de ses premiers rôles au Kirov. Avec un sens inné du théâtre, le chorégraphe fit de Jean de Brienne un gentil prince, en opposition à Abderam, viril et farouche séducteur qui trouble Raymonda jusque dans ses rêves. Toutes les étoiles de l’Opéra ont dansé le ballet de Noureev, notamment Sylvie Guillem et Florence Clerc lors de la triomphale tournée du Ballet de l’Opéra de Paris au Met de New York en 1984. Rudolf Noureev dansa d’innombrables fois au cours de sa carrière le rôle de Jean de Brienne, mais prit grand plaisir à incarner celui d’Abderam, où il pouvait donner libre cour à son fier tempérament tatar. Yves André Hubert a tourné pour antenne 2 en décembre 1983 le ballet en entier et en couleurs, avec Noëlla Pontois, Rudolf Noureev, Jean Guizerix et le Ballet de l’Opéra de Paris. Un inestimable témoignage pour la postérité, de l’art du danseur et du chorégraphe.