Carrière en Occident de Rudolf Noureev

le jeune homme et la mort danseur Noureev

Noureev et le Royal Ballet

Le Royal Ballet fut la troupe d’accueil de Noureev jusque dans les années 1970. Au fil des ans, il se produisit avec des dizaines d’autres troupes, parfois tout simplement parce qu’elles avaient besoin d’une tête d’affiche, mais souvent en raison de son appétit de danser d’autres rôles et d’autres styles.Parfois (par exemple avec Paul Taylor dont il admirait beaucoup les œuvres) il n’acceptait pas de cachet s’il savait que la troupe ne pouvait se le permettre.
Il apprenait remarquablement vite et acquit ainsi un répertoire exceptionnellement vaste et diversifié. Outre les grands classiques qu’il dansa dans de très nombreuses versions, il apprit plus d’une centaine de rôles auprès d’une quarantaine de chorégraphes.

Les grands chorégraphes et Rudolf Noureev

La plupart de ces rôles furent créés spécialement pour lui par une pléiade de chorégraphes de talent, tels que Ashton, Balanchine, Béjart, Rudi van Dantzig, Flemming Flindt, Martha Graham, Murray Louis, Kenneth MacMillan, Roland Petit, Paul Taylor et Glen Tetley.

Parmi eux, le rôle qui mit en valeur au mieux tous les aspects de son talent et restera toujours associé à Noureev est Armand d’Ashton, personnage plein de poésie, de passion et de romantisme aux côtés de Fonteyn-Marguerite. Mais l’émotion intense qu’il trouva dans les Chants du Compagnon Errant de Béjart, l’humour insouciant de Jazz Calendar d’Ashton, le Bourgeois Gentilhomme de Balanchine, la complexité enchevêtrée qu’il apporta à Laborintus et à Tristan de Tetley ou le style flamboyant de Paradis Perdu de Petit, ont tous laissé une empreinte profonde dans les mémoires.

Le tempérament et l’inspiration sont les qualités qu’il apporta au répertoire classique, même dans des œuvres telles qu’Apollon, Four Schumann Pieces de Hans van Manen, ou Dances at a Gathering de Jerome Robbins. Ceci était d’autant plus vrai dans des rôles racontant une histoire comme Colas dans la Fille Mal Gardée, le Fils Prodigue, Des Grieux dans Manon, Don Juan de Neumeier, ou le rôle principal de l’Idiot de Valery Panov. Il s’intéressait tout particulièrement à reprendre les rôles de son grand prédécesseur Nijinsky, et traduisit mieux que personne la douceur et l’attrait délicatement sexuel du Spectre de la Rose.

Il fut l’un des premiers danseurs et le plus connu, de loin, à danser avec des troupes de danse contemporaine, réussissant tout particulièrement à traduire le personnage de celui qui redonne la vie dans « Appalachian Spring » de Martha Graham, et rendit le moelleux des danses que Murray Louis régla pour lui.

Même ainsi, certains de ses admirateurs dont Ashton et Ninette de Valois estimaient qu’il était à tel point inégalable dans le répertoire classique qu’ils déploraient de le voir consacrer du temps à la danse contemporaine.

L’élan aérien extraordinaire de ses variations de la Bayadère, son engagement complet dans Giselle, son ardeur et sa mélancolie dans le Lac des Cygnes, sa vivacité et sa drôlerie dans Don Quichotte viennent étayer cet argument. Si l’on ne devait retenir qu’un moment de danse pour illustrer l’excellence et ce que Noureev avait d’unique, je citerai la variation du dernier acte de la Belle au Bois Dormant.

Chaque pas y était exécuté avec superbe, chaque partie de la variation était enchaînée avec fluidité en une progression permanente jusqu’au point culminant du manège final de grands jetés en tournant tout autour de la scène, sans aucune hâte, jusqu’à l’immobilisation finale en une pose triomphale en cinquième parfaitement placée telle que l’exigeait Pouchkine.

Dans d’autres rôles, la danse masculine s’est améliorée grâce à lui et certains peuvent maintenant parfois remettre en question sa supériorité autrefois si évidente, mais dans ce solo, je n’ai encore vu personne jusqu’ici approcher, même de loin, son niveau d’excellence.