1992 – LA BAYADERE

Musique : Ludwig Minkus – Chorégraphie : Ruldof Noureev d’après Marius Petipa

En 1961 Noureev fait découvrir la scène des Ombres au public parisien

Comme la plupart des ballets de Marius Petipa, le ballet La Bayadère est resté longtemps inconnu des Occidentaux, le « rideau de fer » des années 50 ayant stoppé les échanges culturels. La révélation arriva en 1961, avec la tournée du Ballet du Théâtre Kirov à Paris, puis à Londres.

C’est au Palais Garnier que l’Acte III de La Bayadère (la Scène des Ombres) a déroulé pour la première fois sa procession hypnotisante de 32 bayadères en tutus et voiles blancs – devenues fantômes (ombres) – et descendant lentement, une à une, en une série d’arabesques penchées, un plan incliné symbolisant leur apparition depuis l’au-delà.

«Ce cortège développe sa ligne sinueuse sur le sol, avant d’arriver à son terme sur quatre rangées parallèle : un effet impressionnant, réalisé avec une grande économie de moyens. Ce sont, là, les débuts du ballet symphonique» écrit Vera Krassovskaïa, historienne de la danse en Russie

Ce ballet symphonique, l’accord parfait entre la musique et la danse, de façon presqu’abstraite, graphique (visant les lignes et les déplacements des groupes, dans la gestion géométrique de l’espace), Marius Petipa s’efforcera toute sa vie de le réaliser (le « jardin enchanté » dans Le Corsaire/1868, la scène des Dryades dans Don Quichotte/1869, la vision d’Aurore à l’Acte II de La Belle au bois dormant/1890, la valse des flocons de neige à la fin du l’Acte I de Casse-Noisette/1892 – avec la collaboration de Lev Ivanov – les Actes II et IV du Lac des cygnes/1895 – toujours avec Ivanov, la valse fantastique à l’Acte I de Raymonda/1898).

Il sera suivi en cela par George Balanchine traduisant par le seul mouvement la musique que l’on entend. Un certain nombre de chorégraphes contemporains reconnaissent aussi, dans cette «Scène des Ombres», l’annonce de leurs recherches minimalistes (le ballet Dance de Luncinda Childs – obsessionnellement identique et pourtant sans cesse changeant – sur la musique répétitive de Philip Glass en semble l’exemple/1979).

« La Scène des Ombres » de La Bayadère : première chorégraphie de Noureev, d’après Petipa.

La Bayadère

C’est à la demande de Frederick Ashton, nouveau directeur du Royal Ballet de Londres (succédant en septembre 1963 à Dame Ninette de Valois), que Rudolf Noureev règle sa première chorégraphie, en remontant l’Acte III de La Bayadère.
Telle qu’il l’a apprise et dansée au Kirov, la chorégraphie de cette « Scène des Ombres » est héritée de Marius Petipa, fidèlement transmise en ce qui concerne les ensembles et des variations des ballerines, mais les solos du personnage masculin Solor ont été introduits par le danseur virtuose Vakhtang Tchaboukani, en 1941.

Noureev reprend intégralement cette version, en y ajoutant – comme il le fera toujours – plusieurs touches personnelles :

  • dans l’adage où Nikiya entre avec un long voile que tient Solor, Noureev fait également danser Solor en miroir
  • il y ajoute avant les trois Ombres, un solo pour Solor : la variation (avec les tours fouettés-attitudes en l’air) que Tchaboukiani avait réglée pour l’Acte II des fiançailles de Gamzatti et Solor
  • il intervertit les soli de la 3ème et de la 2ème Ombre (plaçant, en deuxième, la variation rapide d’«avancés/ relevés sur pointe »)
  • et à la coda , Solor se lance dans un manège de tours de doubles-assemblés.

« Ces légers changements contribuèrent à produire plus de danse et à donner du brio au rôle masculin, mais il faut vraiment louer Noureev pour le soin qu’il a apporté à communiquer le style exact à tous les interprètes » écrit John Percival dans le Times, et Clive Barnes d’ajouter (dans la revue « Dance & Dancers ») :  » Deux ans seulement après son « saut à l’Ouest », Noureev est déjà en train de stimuler le Royal Ballet : il fait progresser tous les danseurs, il inspire notre Prima Ballerina Assoluta – Margot Fonteyn – possédant une technique solide qu’elle n’avait pas encore pleinement montrée, et encourage un nouvel esprit de compétition chez les solistes. Avec cet acte III de La Bayadère , Noureev nous offre un ballet méconnu à découvrir, un grand classique à chérir, et ce qui est tout aussi important, il enseigne comment le danser ».

En savoir plus :

Rudolf Noureev, entré dans la troupe du Kirov en 1958 – après seulement deux ans passés à l’Ecole Vaganova – se voit confier dès 1959 le rôle de Solor dans la «Scène des Ombres ». Il danse avec Olga Moisseeva. C’est avec Cette même ballerine qu’il fera son apparition sur la scène du Palais Garnier, et dans le même rôle, le 19 mai 1961 pendant la tournée du Ballet du Kirov. Ce soir-là, le directeur artistique de la compagnie, Konstantin Sergueev demandera à Noureev d’ajouter un solo avant les trois ombres, en lui laissant le choix de sa variation. Et Noureev dansera…. La variation du Corsaire ! Aux représentations suivantes, il prendra celle de Tchaboukiani.

Les différentes versions de la Bayadère – Acte des Ombres

Versions de Rudolf Noureev

1963 – The Kingdom of the Shades
Royal Ballet de Londres
Première le 27 novembre 1963 au Roayl Opera House/Covent Garden.
Costumes de Philip Prowse
Avec Margot Fonteyn (Nikiya), Rudolf Noureev (Solor)
et Merle Park, Lynn Seymour, Monica Mason (les trois Ombres).

1974 – Scène des Ombres
Ballet de l’Opéra à Paris
Première le 3 Octobe 1974 au Palais Garnier
Costumes de Martin Kamer
Avec Noëlla Pontois (Nikiya), Rudolf Noureev (Solor) et Claire Motte, Wilfride Piollet, Ghilaisne Thesmar (les trois Ombres).
Cette production a été redonnée en avril 1975 avec en alternance, Noëlla Pontois, Florence Clerc, Dominique Khalfouni dans le rôle de Nikiya, et Jean-Pierre Franchetti, Patrick Dupond, Patrice Bart dans le rôle de Solor. (A noter, les 22 et 24 avril : Gelsey Kirkland et Mikhaïl Baryschnikov, artites invités)